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TIE Fighter, de Jody Houser et Rogê Antônio

Publié le par Nébal

 

HOUSER (Jody) et ANTÔNIO (Rogê), TIE Fighter, [Star Wars : TIE Fighter #1-5], Nice, Panini, coll. 100 % Star Wars, [2019] 2020, [n.p.]

 

Je me suis dit que je pouvais, de temps en temps, chroniquer une BD Star Wars en essayant d'établir des passerelles avec X-Wing si possible. Alors essayons, avec aujourd'hui TIE Fighter de Jody Houser et Rogê Antônio...

 

ATTENTION : il va y avoir des SPOILERS dans cette chronique, vous êtes avertis !

 

Le TPB TIE Fighter compile les cinq épisodes d’une mini-série écrite par la scénariste Jody Houser (dont le travail sur Star Wars jusqu’alors, notamment avec Thrawn et les histoires courtes de L’Ère de la République, ne m’a jamais véritablement emballé), et illustrée, dans un style relativement old school, par le dessinateur brésilien Rogê Antônio. Mais en relevant une chose : chacun des cinq épisodes se conclut en fait sur un flashback confié à un autre illustrateur – semble-t-il, dans l’ordre, Mike Dowling, Joshua Cassara, Geraldo Borges, Ig Guara et Juan Gedeon (et, globalement, je trouve ces séquences mieux dessinées, personnellement…). Notons aussi que les couvertures de Tommy Lee Edwards sont assez classes, généralement bien plus que celle qui a été retenue pour le TPB (comme souvent chez Panini ?), qui est due quant à elle à Giuseppe Camuncoli et Elia Bonetti.

 

 

C’est aussi, fait à noter et peut-être à creuser, le pendant d’une autre publication de la licence Star Wars, mais en l’espèce un roman : L’Escadron Alphabet, d’Alexander Freed – que je n’ai pas lu. Le roman et la BD ensemble décrivent une palanquée de nouveaux personnages, pour certains communs, mais ce qui les différencie, au-delà du médium, est le point de vue : si le roman se focalise sur des personnages issus de l’Alliance Rebelle, TIE Fighter met en scène leurs adversaires impériaux, l’Escadron de l’Ombre, ou le cinquième escadron de la 204e escadre (oui…).

 

 

Pour le reste, les passerelles ne manquent pas avec l’univers Star Wars canon, et cette BD multiplie les allusions aux événements de la première trilogie (au risque de la multiplication des anachronismes, ai-je l’impression, avec une temporalité très condensée : la BD s’achève clairement à la fin du Retour du Jedi, et pas de la manière la plus fine qui soit, et bien des éléments semblent logiquement en rapport avec l’épisode VI, qui semble bel et bien constituer le contexte principal de la série ; mais d’autres me paraîtraient plus cohérents avec les épisodes IV et V – le premier chapitre faisant plusieurs fois référence à la destruction de la première Étoile de la Mort, par exemple).

 

Mais les personnages sont pour l’essentiel des inconnus, si nous avons pu croiser un de ces pilotes impériaux, Lyttan Dree, dans la mini-série Han Solo : Cadet impérial, que j’avais trouvée relativement sympathique (et le personnage, du coup, contribue et pas qu’un peu au flou chronologique que je ressens, car les événements rapportés dans Han Solo : Cadet impérial sont supposés être bien, bien antérieurs au Retour du Jedi…).

 

 

En adoptant le point de vue d’impériaux lambda, la BD ne se montre pas forcément d’une originalité bouleversante, mais n’en livre pas moins un tableau assez juste : les personnages de TIE Fighter ne sont pas traités comme des « méchants », mais, à leur manière, comme des « héros », et ils suscitent plutôt la sympathie. Cela n’implique pas de gommer les crimes de l’Empire Galactique, ou de faire du révisionnisme à l’échelle de Star Wars, mais simplement de prendre conscience de ce que les grouillots dans les cockpits des TIE ne sont pas moins humains que leurs héroïques adversaires rebelles.

 

 

Un procédé graphique insiste sur ce point, je suppose, qui fait apparaître en transparence les visages des pilotes sous leurs casques. L'objectif prioritaire est sans doute de favoriser la lisibilité de la BD, mais je ne crois pas que ce soit le seul.

 

 

Ces pilotes impériaux ne sont même pas des fanatiques – au plus des témoignages éloquents des réussites de la désinformation impériale. Ici, on relèvera d’ailleurs que la naïveté d’un des protagonistes, Ganem Kahi, qui critique certes les rebelles mais admet candidement et ouvertement ne pas rejeter en bloc tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils incarnent, n’est tout de même pas hyper crédible, quand le BSI rôde toujours au service d’une institution impériale totalitaire…

 

 

De manière plus crédible et plus juste, ces personnages ne s’identifient pas forcément d’eux-mêmes comme des séides de ladite institution, ou disons que c’est à titre un peu secondaire :  dans leur vision des choses, et leurs paroles souvent, l’Empire n’est jamais que la continuation de la République, et Palpatine doit assurément être loué pour avoir sauvé la galaxie des complots d’une secte de magiciens… Ils entendent, comme lui, préserver la paix. Or les rebelles sont dans cette optique nécessairement des criminels sanguinaires, des terroristes, à leurs yeux – mais au fond pas si différents des séparatistes d’antan.

 

 

« Grand-Mère », la commandante derrière l’Escadron de l’Ombre, en a même fait un tic de langage, et qualifie systématiquement les rebelles de « séparatistes ». Cela fait sourire ses subalternes, elle le sait, mais elle n’en démord pas.

 

 

Ces personnages, enfin, ne sont pas non plus des brutes immorales – ils ne sont pas spécialement violents, et éprouvent des sentiments louables, de l’amour à l’altruisme ; et la loyauté est de mise, bien sûr, mais du même ordre que dans le camp d’en face, il ne s’agit pas seulement d’obéir sans y réfléchir à deux fois aux ordres les plus barbares. Oui, ils sont humains, et non caricaturaux. Rien à voir, pour le coup, avec, mettons, la Commandante Malarus dans la série Poe Dameron, qui m’avait vraiment soûlé… C’est appréciable.

 

 

Ils ne sont certes pas sans défauts : Jeela Brebtin est un glaçon, comme il se doit, et les grouillots venus en renforts directement de l’Académie, Rac Syrmo et Bansu Ro, sont incroyablement puérils. Mais ces défauts ne sont pas de nature à en faire des « méchants » pour autant – au contraire, ils appuient leur humanité.

 

 

À vrai dire, le défaut devient parfois une vertu, ici : le lieutenant-commandant Teso Broosh, à la tête de l’Escadron de l’Ombre, est porté au doute, en ses propres capacités surtout, et son sens des responsabilités à l’égard de ses pilotes est si poussé qu’il en devient perpétuellement douloureux – mais, au fond, c’est précisément ce qui en fait un bon officier : il ne considérera jamais ses pilotes comme de la chair à canon aisément remplaçable.

 

 

Et sous cet angle, même avec des failles certaines, mais heureusement pas autant de pathos qu’on pouvait le craindre (notamment lors de flashbacks ou autres scènes intimes relativement bien gérées… par d’autres dessinateurs, donc, assez souvent), le travail de Jody Houser et Rogê Antônio est plutôt correct – le dessin de ce dernier est à vrai dire bien plus convaincant quand il s’agit de camper des personnages et leurs émotions que quand c’est de batailles épiques et de vaisseaux spatiaux qu’il s’agit… ce qui pourra frustrer certains lecteurs, clairement.

 

 

Bon, ça n’a pas aussi bien marché sur moi que le volume « Icônes » chez Delcourt consacré aux Stormtroopers, dans le même ordre d’idées, qui avait été globalement une très bonne surprise – surtout dans la mesure où, pour ce que j’en ai lu, les comics Star Wars de Dark Horse étaient trop souvent au mieux médiocres… Mais cela reste un travail raisonnable.

 

 

Et, du coup, c’est ce point de vue qui est capital ici. L’intrigue en elle-même, si seulement il y en a une, est au mieux décousue, semée de trous, chronologiquement douteuse parfois, et portée aux faux départs et/ou aux conclusions expéditives.

 

 

Ça commence d’ailleurs assez mal à cet égard, avec un cliffhanger à la fin du (flashback concluant le) premier épisode qui est tellement convenu dans un récit Star Wars qu’il en est presque risible (SPOILER : une des membres de l’Escadron de l’Ombre, Zin Graw, est en fait un agent rebelle, oh oh oh !).

 

 

Et la suite immédiate n’est guère plus convaincante, avec cette histoire totalement invraisemblable d’un officier impérial qui choisit, hop, là, comme ça, de jouer au baron du crime, sans craindre un seul instant la riposte d’un Empire au meilleur de sa forme.

 

Quant à la conclusion de la série, qui fait directement référence au Retour du Jedi… On n’y croit pas vraiment, formellement en tout cas. Tout cela est passablement maladroit.

 

 

Mais, ici, il y a une bizarrerie : s’agissait-il véritablement de faux départs ? Jody Houser a-t-elle changé d’optique en cours de route, ou était-ce conçu bien à l’avance ? Vers le milieu, la BD surprend pas mal en éliminant avec une froideur étonnante deux des personnages centraux (SPOILER), et en fait ceux que nous étions vraiment portés à imaginer survivre… puisqu’il s’agit précisément de « l’espionne », d’une part… et d’autre part de Lyttan Dree, le seul de ces pilotes que nous avions pu croiser dans une autre BD. Pour le coup, ce très brusque retournement de situation ne m’a pas laissé indifférent – moi qui lisais jusqu’alors la BD d’un œil un peu morne, ça m’a fait l’effet d’une douche froide, mais ça a du coup aussi ravivé mon attention.

 

 

Pourtant, les derniers épisodes ne sont objectivement pas meilleurs que les premiers… Et on se retrouve à nouveau dans ce même train-train un peu las, pas désagréable mais guère enthousiasmant non plus.

 

Pour un résultat global en demi-teinte. L’intention était honnête et bienvenue, l’exécution correcte mais guère enthousiasmante. OK, ça se lit – mais ça ne renverse pas.

 

 

Du point de vue du jeu X-Wing, on relèvera que, même s’ils ne constituent pas son point fort à mes yeux, cette BD abonde en combats spatiaux figurant nombre de vaisseaux iconiques, aussi bien du côté des rebelles que des impériaux. Si les classiques X-Wing T-65 et Chasseurs TIE/ln sont de la partie, on y trouve aussi des A-Wing RZ-1 et des B-Wing A/SF-01 d’un côté, ou des Bombardiers TIE/sa et des Navettes T-4A de classe Lambda de l’autre. Mais tout cela est largement anonyme.

 

 

Ce qui compte le plus est ailleurs : le sobre titre de la série, TIE Fighter, amène probablement à penser au premier chef au bon vieux Chasseur TIE/ln de l’Empire Galactique (sinon à quelque jeu vidéo mythique) – soit le châssis par excellence des grouillots anonymes. Pourtant, ça n’est pas le cas ici – et sans aller nécessairement jusqu’à faire de l’Escadron de l’Ombre une unité d’élite (la BD témoigne plus qu’à son tour d’une certaine disparité quant aux talents et aux expériences des pilotes qui le composent, tout spécialement quand des vétérans sont remplacés par des cadets fraîchement promus), ils sont tout de même quelques crans au-dessus des Pilotes de l’Académie. Ils pilotent donc généralement le chasseur impérial Sienar apparu pour la première fois dans Le Retour du Jedi (même s’il est rétroactivement apparu dans des récits prenant place plus tôt par la suite) : l’Intercepteur TIE/in. Si j’en crois Wookieepedia, Palpatine à ce stade voulait remplacer tous les TIE/ln par des TIE/in, mais, au moment de la bataille d’Endor, les TIE/in ne représentaient que 20 % des chasseurs impériaux – l’Escadron de l’Ombre s’intègre parfaitement dans ce récit.

 

Et si j’osais (naïvement, peut-être) espérer un impact de cette mini-série sur le jeu de figurines, ce serait clairement l’arrivée de nouveaux pilotes sur ce châssis étrangement mal loti en v2, avec seulement deux pilotes génériques et deux nommés (dont la star Soontir Fel, soit le pilote de TIE/in qui est joué). Il mériterait mieux que ça – ou disons du moins qu’il mériterait davantage d’options, de diversité. En fait, et cette BD en témoigne, le lore le plus canon justifierait amplement que les joueurs disposent de bien davantage de choix pour ce vaisseau.

 

Alors j’apprécierais de voir arriver des pilotes comme Teso Broosh, Lyttan Dree ou Jeela Brebtin…

 

On peut rêver…

 

 

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